Plusieurs de nos clients et de nos supporters me demandent ce qui se passe avec l'entreprise alors que nous avions le vent en poupe. Nous avons été silencieux pendant deux semaines.
Ces deux semaines de remise en question ont été très difficiles.
J'ai moi-même traversé de nombreuses montagnes russes émotionnelles.
Le 29 novembre dernier, nous venions de remplir un camion de Végétours en direction de Rimouski. Christian, mon ami, co-fondateur de Végécube, vice-président et directeur de la production, s'est écroulé devant moi alors que nous discutions du travail que nous venions de réaliser. « Ouf, réalises-tu, Christian, tout ce que nous avons accompli en sept ans ? Tout le travail réalisé ? » Au début, nous parlions d'autonomie et de l'importance de retrouver son pouvoir de producteur agroalimentaire local, et les institutions ne nous prenaient pas au sérieux. Ensuite, elles ont eu peur de nous, de l'impact de notre travail sur le monde établi. Et maintenant que nous venons tout juste d'être consacrés comme une révolution agricole dans le domaine, tu nous quittes.
Nous avons traversé tant d'embûches, de défis, de déceptions, mais aussi tant d'espoirs avec ce projet visant à rendre l'autonomie aux familles. Combien de fois avons-nous refait le monde, les dessins, les prototypes, comblé les failles, discuté avec les gens, formé des groupes, convaincu des actionnaires et des institutions, retroussé nos manches, alors que le ciel nous tombait une fois de plus sur la tête ? Il est littéralement impossible de tout rapporter de ces sacrifices, tant ils sont nombreux.
Aujourd'hui, tu nous quittes pour un autre défi. Tu nous laisses un héritage d'équipements fonctionnels pour fabriquer les Végétours, mais aussi une partie de ton cœur, ta motivation et ta sagesse dans l'accomplissement de cette mission de mettre fin à la faim. Les gens ne réalisent pas encore le danger de la mondialisation étouffante et de tous les défis à venir face au retrait progressif de nos droits et libertés, et cela te peinait beaucoup. C'était triste de voir comment les gens peuvent se perdre à choisir la couleur d'une voiture sans se soucier du fait qu'elle se dirige droit vers un ravin.
Il y a tant de choses que nous n'aurons pas eu la chance de concrétiser ensemble : voir les familles devenir de plus en plus autonomes, les gens de plus en plus conscients, la corruption politique remplacée par l'implication citoyenne, l'innovation retrouvant sa place dans nos activités, la créativité, la joie de vivre. Mais je te promets que je poursuis ce rêve tant que cela sera possible. Il pourra évoluer, se diversifier, mais l'esprit restera le même : l'humanité doit retrouver ses valeurs humanistes et sa capacité de se concentrer sur un projet commun, un grand chantier de l'autonomie, comme nous l'avons appelé.
Tu as été pour moi un mentor, une personne d'une grande expérience, d'un calme rassurant, d'une vision empreinte d'espoir, d'un infatigable dévouement à la cause.
Surveille d'en haut nos avancées, connecte les liens invisibles pour que ce projet soit un levier de développement et d'inspiration pour les gens, afin qu'ils retrouvent leur pouvoir et leur sens du service. Merci pour tout : pour tes paroles apaisantes, ta vision inclusive, tes conseils sur l'entrepreneuriat, ton imagination sans fin, ton incroyable talent d'inventeur et ton amitié indéfectible.
On garde le contact, on se donne une bonne tape dans le dos et, au moment venu, nous pourrons célébrer cette victoire de l'humanité sur la perversion de notre système et de ses promoteurs.
Yannick